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Qui est Dieu ?
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Pourtant c’est toi qui es notre Père : ce n’est pas Abraham qui nous a distingués, ce n’est pas Israël qui nous a reconnus ; c’est toi, SEIGNEUR, qui es notre Père. « Notre Rédempteur », tel est ton nom depuis toujours. Pourquoi, SEIGNEUR, nous fais-tu errer loin de tes voies ? Pourquoi nous fais-tu refuser obstinément de te craindre ? Reviens, à cause de nous, tes serviteurs, pour les tribus qui constituent ton patrimoine ! Ton peuple saint n’a pris possession du pays que pour peu de temps ; nos ennemis ont foulé ton sanctuaire. Nous sommes depuis toujours comme ceux que tu ne gouvernes pas, sur qui ton nom n’est pas proclamé… Si seulement tu déchirais le ciel, si tu descendais, les montagnes crouleraient devant toi ; comme s’allume un feu de forge, comme s’évapore l’eau qui bouillonne ; tes ennemis connaîtraient ton nom, et les nations trembleraient devant toi. Lorsque tu fis des choses redoutables, que nous n’espérions pas, tu descendis, et les montagnes croulèrent devant toi. Jamais on n’a appris ni entendu dire, jamais l’œil n’a vu qu’aucun dieu, à part toi, agisse ainsi pour celui qui l’attend. Tu allais à la rencontre de celui qui était content d’agir selon la justice, de ceux qui se souvenaient de tes voies, par qui, de tout temps, nous étions sauvés ; mais tu t’es irrité parce que nous avons péché ; nous sommes tous devenus comme impurs, et tout ce que nous faisons pour la justice est comme un vêtement souillé ; nous sommes tous flétris comme des feuilles mortes, et nos fautes nous emportent comme le vent. Il n’y a personne qui invoque ton nom, qui s’éveille pour s’attacher à toi. Car tu t’es détourné de nous, et tu nous as laissés fondre à cause de nos fautes. Pourtant, SEIGNEUR, tu es notre Père ; nous sommes l’argile, tu es notre potier : nous sommes tous l’œuvre de tes mains.
Veillez nous demande Marc, veillez, ne vous endormez pas demande le maître qui s’absente et confie toute la gestion de la maison à ses serviteurs. On pourrait dire que Dieu s’est retiré du monde et nous a confié sa gestion, jusqu’à un retour dont la date et inconnue, largement mystérieuse. Ou on peut dire que Dieu ne s’est pas retiré du monde mais qu’il fait confiance à l’humain depuis le début et lui demande de s’engager avec Lui.
Les textes de ce matin laissent apparaître des représentations de Dieu tout à fait contradictoires et opposées. On peut donc se poser les questions :
Quelles représentations avons-nous de Dieu ? Ou qui est donc notre Dieu ? Est-ce une question d’époque ? Est-ce une question de vécu ? Est-ce bien le même Dieu ?
Je vous invite ce matin à nous pencher sur cette question de qui est Dieu pour Ésaïe, pour Paul et pour Marc.
Tout d’abord dans Ésaïe. La rédaction du livre d’Ésaïe remonte au VIIIe siècle avant Jésus Christ pour certains passages et au VIe siècle pour d’autres passages. Le contexte d’Écriture est celui de l’exil à Babylone. En effet, le rédacteur se lamente sur le fait que le peuple d’Israël est dominé par une puissance étrangère : « Ton peuple saint n’a pris possession du pays que pour peu de temps ; nos ennemis ont foulé ton sanctuaire. », allusion à la destruction du temple en 587 par Nabuchodonosor.
Et comme la puissance d’un Dieu se mesurait à la grandeur et à l’état du pays, il y a un problème relevé par Ésaïe : pourquoi Dieu laisse-t-il son peuple et son pays aux mains des ennemis ?
Le problème est aigu, comment expliquer que la situation soit aussi mauvaise pour le peuple d’Israël ?
Permettez-moi une remarque : aujourd’hui encore, bon nombre de croyants en Dieu sont ébranlés par une situation mondiale chaotique : la question est souvent : « mais que fait Dieu », ou « est-ce qu’il y a vraiment un Dieu ? »
Ésaïe ne se pose pas ces questions car il a une théorie : il pense que la situation est mauvaise parce que le peuple ne croit plus en Dieu : le peuple se détourne et ne craint même plus Dieu ! Ésaïe le déplore. Il se lamente et on l’entendrait presque dire : Mais pourquoi Dieu, ne fais-tu pas en sorte que ton peuple te craigne ???
Dans la pensée d’Ésaïe, tout ce qui arrive est volonté de Dieu ; à cette époque, nous sommes encore bien loin des notions de liberté de croire ou non, ou de la liberté de conscience. Alors Ésaïe exprime son incompréhension : Pourquoi, SEIGNEUR, nous fais-tu errer loin de tes voies ? Pourquoi nous fais-tu refuser obstinément de te craindre ?
Et il implore Dieu à re-devenir comme avant : un Dieu adulé et craint par tout le peuple. Ésaïe implore donc son Dieu de revenir et de s’imposer à nouveau.
« Reviens, à cause de nous, tes serviteurs, pour les tribus qui constituent ton patrimoine ! » et encore « Si seulement tu déchirais le ciel, si tu descendais, les montagnes crouleraient devant toi ; comme s’allume un feu de forge, comme s’évapore l’eau qui bouillonne ; tes ennemis connaîtraient ton nom, et les nations trembleraient devant toi ».
Voilà une situation bien dramatique, la domination d’Israël et l’exil à Babylone, qui sont présentés comme non pas comme absence de Dieu, mais plutôt comme volonté de Dieu pour punir son peuple d’avoir péché. « Car tu t’es détourné de nous, et tu nous as laissés fondre à cause de nos fautes ».
Voilà quelle était la représentation de Dieu dans ce texte d’Ésaïe : un Dieu qui pour punir le peuple de sa désaffection pour lui, de ses fautes et de son impureté n’est pas intervenu pour empêcher l’invasion du pays. Le rédacteur de ce texte donne une explication aux malheurs passés d’Israël : l’invasion bien réelle qui a eu lieu, avant que le peuple soit emmené en exil a eu lieu parce que le peuple a oublié Dieu.
Ésaïe n’envisage pas du tout un scénario réaliste, proche de la réalité politique : à savoir que l’invasion babylonienne découlait de la petitesse d’Israël, de as faiblesse militaire, et de la volonté de l’empire babylonien surpuissant et développé de posséder un territoire plus grand.
Ésaïe se trouve là dans une impasse : penser que Dieu a voulu toutes ces misères le heurte, car il sait que le créateur a voulu la vie. Ésaïe dit en effet : « Pourtant, SEIGNEUR, tu es notre Père ; nous sommes l’argile, tu es notre potier : nous sommes tous l’œuvre de tes mains ».
On ressent toute la détresse du prophète devant la situation vécue : Si seulement Dieu pouvait pardonner et restaurer l’identité d’Israël ! C’est comme cela que l’attente messianique est née. Ésaïe le dit au début : « Pourtant c’est toi qui es notre Père… c’est toi, SEIGNEUR, qui es notre Père.« Notre Rédempteur », tel est ton nom depuis toujours ». L’attente messianique, c’est l’attente d’un Sauveur, mis en tension dans le judaïsme avec une conversion du peuple pour plaire à Dieu, pour le faire agir favorablement, pour le décider d’envoyer le messie Sauveur.
Dans ce temps de l’avent qui débute ce dimanche, relire ce texte d’Ésaïe est intéressant, car il nous rappelle que l’être humain a toujours été dans l’attente d’actions favorables de Dieu, en interprétant les épreuves par une supposée inaction de Dieu en raison de manque de foi humaine ou d’absence de fidélité envers lui.
Or notre Sauveur, Jésus Christ, Dieu l’a donné au monde bien que l’être humain n’ait pas fondamentalement changé et que la situation d’Israël ne soit pas meilleure, sous occupation romaine à la naissance de Jésus. Dieu s’est bien révélé en Jésus Christ et sa perspective de salut s’est vraiment accomplie en Jésus Christ !
Et Paul remercie Dieu pour ce don : « Je rends toujours grâce à mon Dieu, à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ ; car en lui vous êtes devenus riches de tout, de toute parole et de toute connaissance, puisque le témoignage du Christ a été confirmé en vous ».
Marc lui, nous présente Dieu comme un homme partant en voyage en donnant autorité à serviteurs, c’est à dire à ceux qui nous précédés et à nous aujourd’hui.
Dieu nous laisse sa création en gestion ; jusqu’à son retour. Et Marc exhorte donc à la vigilance.
« Prenez garde, restez éveillés, car vous ne savez pas quand ce sera le moment ». et « Veillez donc car vous ne savez pas quand reviendra le maître de maison ».
Ce texte de Marc est, à la première lecture surprenant pour un premier dimanche de l’avent ; il résonne comme un avertissement : veillez, sinon…
Or il n’y a pas de sinon dans notre texte, et Marc, dans son chapitre 13 déconstruit les arguments de l’apocalyptique juive qui conduit les premiers chrétiens à une passivité (en attendant que Dieu fasse tout) qui est contraire au comportement de Jésus et à l’envoi des disciples en mission.
Aujourd’hui, nous connaissons aussi l’attente eschatologique : vous connaissez sûrement les promoteurs de la fin du monde, qui, au vu des guerres, du réchauffement climatique et autres difficultés, sont persuadés que le monde est voué à une fin certaine… et qu’il est donc inutile d’avoir des enfants et inutile d’agir pour la paix, ou de chercher à agir pour avancer vers un monde mieux géré.
Ces discours sur la fin du monde n’ont rien d’évangélique ; certes, nous pouvons être inquiets à cause du recul de la paix, certes nous pouvons être angoissés par la problématique écologique…etc.
Mais, la fin, en perspective chrétienne, c’est l’invitation à pouvoir rendre au Seigneur, au jour de son retour qui reste toujours inconnu, un monde bien entretenu et viable.
Dieu nous a confié sa création, sa maison et nous devons en prendre soin, sans nous contenter de la routine ou attendre qu’il fasse tout à notre place.
Veiller, et rester éveiller, ce sont des positions actives, contraires à la somnolence ou à l’indifférence.
Ce passage fait penser à la parabole des talents : nous avons à prendre des initiatives pour faire vivre ma maison terre qui nous a été confiées : cela nous donne de grandes responsabilités : celle de préserver la planète, celle de prendre soin de tous les humains, celle de développer des projets communs… bref prendre toutes les dispositions nécessaires pour que si le maître (Dieu) revient à l’improviste, il trouve sa création bien gérée avec des humains heureux de vivre. Le Dieu de Marc a mis l’humain en responsabilité de gérer la création comme s’il était en voyage ; il compte sur l’humain pour agir, pour bien agir avec sa révélation, je veux dire sa révélation en Jésus Christ. Voyez, l’apocalypse n’est pas une catastrophe mais le don d’un sauveur qui par sa vie et son enseignement a donné un sens à la manière de vivre selon l’Esprit de Dieu.
Ce texte a donc tout son sens un premier dimanche de l’avent. Il nous rappelle que Dieu attend que nous agissions parce qu’il nous a rejoint dans notre humanité. Nous sommes donc invités à avancer avec lui, à voir ce qu’il y a de réjouissant dans le don de son fils, d’une part pour notre monde, mais aussi dans nos vies.
La foi que nous avons reçue de Dieu nous donne confiance pour l’avenir.
Dans ce temps de l’avent, ne nous endormons pas, veillons aux signes de la présence de Dieu, il a donné à l’humanité un Sauveur, le Christ, qui nous accompagne et nous relève sur nos chemins de vie. L’avenir offert par Dieu est encore à nouveau naissance d’initiatives de paix, de fraternité ou d’amour dans la confiance que Dieu nous guide par son Esprit.
Que ce temps de l’avent soit propice à embellir ce monde habité que Dieu nous a confié.
Amen.
Pasteure Corinne Gendreau