Ces trois textes que nous venons d’entendre ont un point commun. Ils parlent d’espérance.
Je ne vais pas commencer par définir l’espérance mais aller dans les textes bibliques pour rechercher ce qu’ils nous disent au sujet de l’espérance.
Commençons par le texte d’Ésaïe :
Imaginez vous au temps d’Ésaïe ; il s’agit juste de faire un petit bon dans le temps, en 750 avant Jésus Christ. Il y a environ 3000 ans…
Vous verriez des forts et des faibles, des riches et des pauvres, rien de bien extraordinaire donc.
Sauf que vous rencontreriez ou entendriez parler d’ un prophète, Ésaïe, qui délivre un message d’espérance :
Premièrement, pour les faibles, espérance de ne pas rester dans la faiblesse, grâce à l’attention d’autrui par la parole échangée ; un avenir s’ouvre à eux, on s’attache à les rendre forts.
De plus, Esaïe partage avec nous sa confiance au sujet de la nature humaine. Ésaïe pense en effet, que l’être humain est capable d’aider ceux qui en ont besoin (les fragiles en particulier), pour les sortir de leur état. Donc espérance que certains vont s’occuper de ceux fragilisés par la dureté de la vie.
Ensuite, troisième motif d’espérance chez Ésaïe : L’espérance se retrouve aussi dans l’annonce d’un salut venant de Dieu. La faiblesse des fragiles deviendra force avec Dieu, car Dieu prend soin des pauvres de tout ; La présence de Dieu annonce une victoire : « il viendra lui-même vous sauver. » La victoire est présentée comme vengeance sur les inégalités, et rétribution de la fidélité de Dieu. Un Dieu qui sauve, voilà le troisième motif d’espérance.
Donc, espérance à trois visages : pour les faibles car ils ne le resteront pas, espérance dans les efforts que nous pouvons accomplir pour aider les faibles, et enfin espérance du salut de Dieu.
L’espérance a une puissance transformatrice, je vous relis la fin d’Ésaïe :
(V 6-7) Car de l’eau jaillira dans le désert,
des torrents dans la plaine aride.
Le lieu torride se changera en étang
et la terre de la soif en fontaines ;
dans le domaine où se couchaient les chacals,
il y aura place pour les roseaux et les joncs.
Ésaïe souligne la question de la place pour le roseau et pour le jonc. Il y aura de la place pour les roseaux et les joncs. Le texte ne dit pas de remplacer les joncs par des roseaux ; car il y a de la place pour les deux… probablement même que dans leur étang, jonc et roseaux sont complémentaires dans leurs capacités d’absorption et de filtration de l’eau. Ils sont probablement utiles l’un à l’autre, et tous deux bons pour la vie qu’ils abritent, bons pour la biodiversité ; en symbiose et non pas en concurrence.
Dans le monde avec Dieu, il y a de la place pour la fragilité de l’homme roseau et la vie solide comme un jonc. C’est Dieu qui le veut, et il y a 3000 ans, on pensait que c’est Dieu qui pourvoyait à tout et qui changerait tout. Or Ésaïe essaie d’insuffler l’idée qu’il y a de la place au soleil pour tous, et que le souci des faibles n’est pas que chose divine. Les joncs doivent faire de la place. Et pas que… ils doivent aussi entrer en relation, parler, écouter la douce mélodie des roseaux (cf début du texte).
On pense souvent à tort que si les faibles sortent de leur état, c’est dangereux parce que d’autres ont perdu ou vont perdre. Or, l’espérance de ce texte, et c’est très fort, c’est d’affirmer que il y a de la place pour tous. C’est effectivement un message d’espérance formidable !
Est-ce que nous sommes prêts à faire nôtre ce formidable message d’espérance d’Esaïe ?
La métaphore de l’eau qui jaillira dans le désert, du roseau et du jonc , cette partie d’Esaïe est un message d’espérance pour aujourd’hui : il y a de la place pour tous en un lieu donné, et le souci des plus fragiles n’est pas une option.
Une autre idée qui m’est chère, vous m’entendez souvent vous dire que lorsqu’il y a les forts, les faibles, il ne convient pas de les opposer mais de les tenir ensemble car nous sommes tout à la fois forts et faibles, en même temps roseaux et joncs, cela dépend des situations et des circonstances.
Nous sommes tous roseaux, comme l’avait déjà exprimé le philosophe Pascal : L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il lui reste, à cet humain, à bien penser son humanité !
La fragilité/faiblesse de l’être est d’autant moins à regarder comme une catastrophe car Dieu sauve, Dieu relève, Dieu guérit. Cela nous l’entendons avec le texte de l’évangile de Marc 7, un récit de guérison du sourd qui a des difficultés à parler.
Jésus est en territoire païen, « on lui amène » l’homme pour qu’il guérisse par une imposition de main ; Le « on » qui supplie Jésus pense qu’un simple toucher doit bien suffire pour que Jésus réalise la guérison. Or, ça n’a pas l’air si facile que cela. Tout d’abord, Jésus prend l’homme à part, a-t-il besoin de calme ?
La guérison se passe en deux temps, ou plutôt avec deux actions :
D’une part le toucher, avec les doigts dans les oreilles et la salive sur la langue. Jésus se rend tout proche du malade, le tient avec ses doigts et donne même de la salive, métaphore du langage car sort de la bouche. Une guérison dans un corps à corps, c’est beaucoup plus qu’un simple toucher de la main (imposition de main).
Et, là, curieusement par rapport à d’autres récits de guérison, nous avons un détail : Jésus lève les yeux au ciel, il soupire (expire puis inspire), et dit dans sa langue maternelle « ephphata », ce qui veut dire ouvre-toi.
Jésus ne guérit pas simplement par le toucher ; il sollicite son Père (en levant les yeux au ciel) et prononce une parole « ouvre-toi » !
Son corps à corps, ses doigts, sa salive ne servent en rien sans la relation à Dieu, l’énergie de la guérison provient de son inspiration spirituelle, souffle de vie opérant dans la relation au Père.
Dans Marc, Jésus est Jésus fils bien aimé du père, habité par son Esprit, mais encore et toujours en relation fidèle au Père, son Dieu.
L’ouverture se fait, la guérison est réussie, l’homme est délié de son incapacité, il est guéri.
Que retenir de cette guérison en terme d’espérance pour nos vies ?
Tout d’abord, le geste de ceux qui amènent le malade à Jésus ; nous avons cette mission de susciter la rencontre avec Jésus. Par notre témoignage, par la prédication ou divers groupes d’Église… Mais, et cela interpelle, le « on » est mis en retrait lors de la rencontre ; le « on » ne se mêle pas du face à face entre Jésus et le malade.
Sommes-nous également conscients que nous avons nous-mêmes à être porté-e-s par d’autres ? Car nous ne sommes pas à l’abri de la surdité et du bégaiement… ou des difficultés de la vie.
Ma vie me pèse ? J’ai la langue liée ? Je me suis coupé du monde et n’entends plus les autres ?
A sa façon, ce texte est porteur d’espérance pour ma vie.
– Dans mes souffrances ou fragilités, il y a une espérance : que d’autres me fassent un hug (accolade) bienfaisante et réparatrice. Ce texte est une invitation au contact consenti qui rassure et fait du bien.
Ou bien, je peux être celui/celle qui fait du bien et rassure en m’approchant et en osant offrir une accolade à ceux qui en ont besoin.
– L’autre expression de l’espérance, c’est la possibilité que, dans ma rencontre avec Christ, je ressente son hug/accolade, sa présence, dans un corps à corps fécond et salvateur, on peut même dire libérateur. C’est Christ qui libère de ce qui entrave la vie, de ce qui aliène. C’est dans la rencontre avec Jésus Christ que tout redevient possible.
Il y a un possible de guérison de l’être, dans la rencontre avec autrui et/ou le Christ.
Rem : Nous laisserons bien sûr le soin des corps malades aux médecins.
Nous l’avons entendu, cette espérance qui se décline de plusieurs manières dans nos textes est la bonne nouvelle du jour pour nous.
Amen.